L'hypothèse documentaire: ses conséquences sur la Torah et sur le Coran.

 

Nous avons consacré le chapitre II de la première section au rôle joué par les postulats. Nous avions alors indiqué que le Dr. Bucaille acceptait comme vrai le postulat de " l'hypothèse documentaire" concernant les origines et le développement de la Torah. Cette hypothèse est encore connue sous les noms de "Haute Critique" ou de "théorie de Graf-Wellhausen". Ce sont deux savants qui l'ont fait connaître ; sa formulation classique date de 1880 environ ; elle peut se résumer dans les propositions suivantes:

1. La religion est passée insensiblement du stade polythéiste au stade monothéiste. L'Ancien Testament ne ferait plus que relater l'évolution de la prise de conscience religieuse du peuple hébreu. Il n'est plus la révélation de Dieu par le moyen d'un ange ou par l'Esprit-Saint.

2. Puisque les coutumes qui caractérisent l'époque d'Abraham ne sont pas connues en dehors des récits de la Torah (par exemple, son mariage avec sa demi-soeur et le renvoi de sa servante Agar, à la demande expresse de sa femme), et puisque les Hittites ne sont jamais mentionnés en dehors de la Torah, les récits d'Abraham d'Isaac et de Jacob, des hommes que le peuple d'Israël considère comme ses patriarches, ne sont pas des récits historiques. Ce ne sont que mythes et légendes.

3. Il est impossible que Moïse et les Hébreux aient pu écrire, puisque l'écriture n'existait pas encore.

4. Par conséquent les cinq livres de la Torah n'ont pas été donnés par Moïse vers 1400 ou 1300 avant J-C., comme l'ont constamment affirmé la Bible et le Coran. Ils ont été compilés des siècles plus tard par d'obscurs écrivains.

Selon cette théorie, le premier auteur, écrivant vers l'an 900 avant J.-C. se serait servi du nom de Yahweh ou Jéhovah c'est-à-dire L'Eternel pour parler de Dieu. On lui attribue généralement, entre autres, les chapitres 2 et 3 de la Genèse.

Un autre écrivain, apparu un siècle plus tard, aurait attribué à Dieu le nom d'Elohim. Il serait l'auteur de plusieurs sections de la Torah. Ces ceux documents auraient été assemblés vers l'an 650 avant J-C.; les partisans de l'hypothèse documentaire prétendent que l'on peut distinguer les sources d'après le nom conféré à Dieu, à savoir Jéhovah ou Elohim.

Mais, comme l'argument de la différenciation des noms est jugé insuffisant, les critiques font intervenir aussi des considérations de langue, de style et des concepts théologiques qui leur permettent de reconnaître avec certitude les différents documents.

Le cinquième livre de la Torah, intitulé Deutéronome aurait été écrit en 621 avant J-C. (les défenseurs de la théorie "critique" soulignent la nature mensongère de ce livre dès lors qu'il est considéré comme une entité bien définie de la plume d'un seul auteur !).

Enfin, des prêtres juifs auraient ajouté un quatrième document désigné par la lettre P (comme Prêtres) lequel débutait par le récit majestueux de Genèse 1. Ils auraient ensuite rassemblé tous ces documents épars pour constituer la Torah dans sa forme actuelle. Cette compilation daterait de l'an 400 avant J-C. environ, c'est-à-dire 1000 ans après Moïse. L'hypothèse documentaire se nomme aussi "théologie J, E, P, D" du nom de la première lettre des mots Jéhovah, Elohim, Prêtres, Deutéronomiste.

Cette présentation succincte de l'hypothèse documentaire suffit néanmoins à montrer à quel point la crédibilité à l'égard de tout l'Ancien Testament est affectée. Si cette hypothèse s'avérait exacte une seule conclusion s'imposerait: l'Ancien Testament ne serait qu'une fraude littéraire monumentale.

5. De plus, qu'ils l'affirment explicitement ou non, les pères de cette hypothèse documentaire n'acceptaient pas les miracles. Ils ne croyaient ni aux miracles accomplis par Moïse, ni à ceux accomplis par Jésus. Ils n'admettaient pas davantage le miracle de la prophétie, à savoir que Dieu se soit révélé lui-même par le biais du langage des hommes. Selon eux, jamais Dieu ne parla à Moïse ou aux prophètes; jamais il ne leur ordonna de transmettre ses paroles. Si ces novateurs avaient étudie' attentivement le Coran, ils auraient sans doute affirmé que jamais Dieu n'avait parlé à Mahomet.

Nous pouvons, à juste titre, dire que c'est le refus délibéré de croire au miracle et à la prophétie qui constitue le postulat de base de toute cette théorie.

Le Dr. Bucaille a consacré plusieurs pages de son livre à un examen détaillé de cette théorie pour aboutir à la conclusion que la Bible est remplie de contradiction, d'invraisemblances, etc. Depuis des siècles les musulmans ont clamé que nous autres, chrétiens, avons altéré le contenu des Ecritures. En affirmant à peu près la même chose, le Dr. Bucaille, qui pourtant vient d'un arrière-plan chrétien, ne peut que conforter l'opinion des musulmans. Ce témoignage est une réelle aubaine pour eux!

Lors de mes études préparatoires à la Faculté de Médecine au Collège de Wooster, on m'avait enseigné cette théorie comme étant vraie. Ce collège dépendait de l'Eglise Presbytérienne. Mon professeur était titulaire d'un doctorat en théologie. Un jour, l'étudiant assis à mes côtés déclara au professeur:

"Si ce que vous dites est vrai, alors ce que la Bible dit n'est pas vrai."

Il répondit, comme s'il s'adressait à un enfant de six ans: "Vous pouvez néanmoins croire à la Bible, si vous le désirez."

Je n'avais alors aucun moyen de vérifier le bien-fondé ou la nullité des affirmations de mon professeur, aussi les acceptais-je comme vraies. Cette théorie sapa ma confiance en la Bible comme authentique révélation donnée par Dieu ; j'abandonnai progressivement la foi chrétienne pour devenir agnostique. Je ne m'étais pas dressé contre Dieu ; tout simplement, je ne savais plus que penser à son sujet, ni que croire.

Mais grâces soient rendues à Dieu "qui veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité."(1) Il ne m'a pas laissé dans l'ignorance. Il m'a fait rencontrer des hommes et des femmes qui m'ont présenté d'autres faits en faveur de l'authenticité de la Torah et des prophètes. Ce sont ces faits-là que nous examinerons dans ce chapitre.

1. Conséquences sur le Coran

Dans le chapitre I de la section précédente, au paragraphe 2-A, nous avons vu que le Coran lui-même atteste l'existence d'une Torah inchangée AVEC Marie, AVEC Yahya et AVEC Jésus en l'an 34 de notre ère. Il se peut que mes lecteurs ne partagent pas tous mon point de vue selon lequel la Torah d'alors était la même que la Torah actuelle, mais nous serons certainement tous d'accord sur les faits suivants clairement énoncés dans le Coran.

Le Coran affirme clairement qu'Abraham était une personne réelle à qui Dieu parla.

Il affirme d'une manière limpide que Moïse a accompli des miracles et qu'il a reçu de Dieu les tables sur lesquelles était gravée la Torah.

 Voici ce que déclare à ce sujet la Sourate de Al-A'raf 7.144-145 de la période mecquoise tardive:

Et Dieu dit: "O Moïse, sur les gens, Je t'ai choisi... Et Nous (Dieu) écrivîmes pour lui sur des tablettes, une exhortation sur toute chose et un exposé détaillé sur toute chose."

Toute personne familiarisée avec le Coran dira : "Notre Livre enseigne effectivement ces vérités. Même le moins instruit de musulmans connaît ces deux faits. Pourquoi y faire allusion?"

Tout simplement parce que si les récits concernant Abraham, Ismaël, Isaac et Jacob sont des mythes dans la Torah, ils le sont alors aussi dans le Coran.

Si l'écriture était inconnue à l'époque de Moïse, en 1400 avant J.-C., alors ni Moïse, ni personne n'aurait pu lire les tablettes écrites ; dans ce cas, le Coran, qui prétend que Dieu a donné des tablettes écrites à Moïse serait dans l'erreur, tout comme la Torah.

Il est donc de la plus haute importance de regarder de près à cette "hypothèse documentaire". Nous commencerons par analyser l'attitude de la "haute critique" face aux miracles.

Les miracles et la prophétie sont impossibles

Dans l'un de ses ouvrages (De Profeten en de Profetie onder Israël, Vol.I, pp. 5585) A.Kuenen révèle sa position anti-surnaturelle:

"Tant que nous attribuons directement à Dieu une part du développement de la vie religieuse d'Israël et que nous permettons l'intervention, même une seule fois, du surnaturel ou de la révélation immédiate (prophétie) notre vision d'ensemble reste inexacte, et nous nous trouvons contraints de faire violence ici et là au contenu de récits historiques bien attestés. Seul le postulat d'un développement naturel permet de rendre compte de tous les phénomènes."

Dans De Godsdienst van Israël (Vol. I, p. 111) Kuenen confesse:

"La nature familière des relations entre la divinité et les patriarches constitue pour moi l'une des preuves les plus convaincantes contre le caractère historique de ces récits."

Dans la première citation, Kuenen va jusqu'à affirmer qu'un seul événement surnaturel fausse notre vision des choses.

Dans la seconde, il présente le fait que Dieu ait parlé à Abraham, a Agar, à Isaac et à Jacob comme preuve de la non-historicité des livres de Moïse.

Wellhausen, qui, associé à Graf, a donné son nom à la théorie "critique", tourne en ridicule le récit des miracles survenus au Sinaï lorsque Dieu donna à Moïse la loi gravée sur des tables de pierre et s'exclama avec dédain : "Qui donc peut sérieusement croire tout cela?"(2)

De nombreux savants contemporains continuent de croire et d'enseigner ces idées parce qu'ils refusent toujours d'admettre la possibilité du miracle. Voici comment Langdon B. Gilkey, de l'Université de Chicago, décrivit en 1962 l'expérience biblique vécue par Israël au Sinaï:

"Les hébreux attribuaient à Dieu les prodiges accomplis et les paroles entendues, mais Dieu les a-t-il accomplis et prononcées? Nous pensons évidemment que non."

Lorsqu'il aborde le passage de la Mer Rouge par les Hébreux, Gilkey poursuit:

"Nous nions le caractère miraculeux de l'événement et affirmons qu'il s'explique simplement par l'effet d'un vent d'Est; ensuite nous soulignons quelle forme la foi des Hébreux a donné à cet événement."(3)

Ces quelques citations montrent, à l'évidence, que les miracles ne peuvent pas se produire. Chacun de ceux que nous avons évoqué est nié.

Il est impossible que Dieu ait parlé à Abraham.

Il est impossible que Moïse ait pu recevoir la Loi des mains de Dieu.

La séparation en deux des eaux de la Mer Rouge pour laisser passer les enfants d'Israël, puis le rassemblement de ces mêmes eaux pour engloutir Pharaon et son armée, ne sont pas non plus un miracle.

La conclusion logique de cette théorie n'a pas échappé à Yusuf Ali. Dans sa traduction du Coran il met ses lecteurs en garde:

"Le point de vue de l'école de la haute critique est radicalement destructif. Si l'on en croit Renan, on peut se demander si Moïse a réellement existé ou s'il n'est pas simplement un mythe."

"... nous rejetons catégoriquement cette prémisse que nous estimons fausse, selon laquelle Dieu n'aurait pas envoyé des livres inspirés par l'intermédiaire de prophètes inspirés."

Nous insistons encore sur la conséquence: si la prophétie n'existe pas, si Moïse n'a jamais existé, le Coran est à mettre au même rang que la Bible comme livre mensonger.

Incrédulité et datation

Le refus délibéré de ces hommes de croire aux miracles a des répercussions profondes sur leur manière de dater les documents de l'Ancien Testament.

Prenons l'exemple du prophète Daniel. Il fut révélé à Daniel de consigner par écrit ses entretiens avec le roi babylonien Nebucadnetsar. L'histoire biblique et l'histoire profane fixent le règne de ce roi vers 600 avant J-C. Nous pouvons supposer que le livre a été écrit à cette époque.

Telle n'est pourtant pas l'opinion des partisans de la "haute critique" Pourquoi? Tout simplement parce qu'en plus des nombreux miracles rapportés par ce livre, on y découvre une prophétie concernant les événements politiques des 3 siècles qui ont suivi Daniel. En effet, nous lisons en Daniel 8.20-21: "Le bélier que tu as vu et qui avait deux cornes, ce sont les rois des Mèdes et des Perses. Le bouc velu, c'est le roi de Yavan (Grèce). La grande corne entre ses yeux, c'est le premier roi..."

Cette prophétie a été délivrée sous le règne de Belchatsar, le petit-fils de Nébucadnetsar. Elle annonce que les Mèdes et les Perses triompheront de Babylone. Puis, à leur tour, les Mèdes et les Perses seront vaincus par les Grecs, ce qui se produisit sous Alexandre le Grand vers 330 avant J-C., c'est-à-dire 300 ans environ après que Daniel ait prophétisé l'événement.

Comme la "haute critique" n'admet ni le miracle ni la prophétie, elle est obligée de fournir une autre date de rédaction pour contourner la difficulté.

Les défenseurs de cette théorie affirment que si la prophétie s'applique bien aux événements qui ont eu lieu en 330 avant J.-C., le livre a nécessairement été écrit après 330, c'est-à-dire une fois les événements accomplis. Quant à l'auteur, il se serait servi du nom de Daniel pour accréditer son message. En d'autres mots, Si les miracles ne se produisent jamais, Daniel ne peut pas avoir prophétisé l'avenir, et par conséquent, le livre qui porte son nom n'est qu'un faux.

En s'appuyant sur les thèses de la "haute critique", le Dr. Bucaille déclare que "Daniel est une apocalypse "déconcertante" du point de vue historique".(4) En fait la véritable raison de ce côté "déconcertant", c'est précisément le fait que le livre annonce plusieurs siècles à l'avance, et de façon précise, le déroulement de l'histoire.

Mais il existe encore une autre raison qui fait de ce livre prophétique un ouvrage "déconcertant". Daniel annonce des événements qui ne devaient se produire que lors de l'incarnation et de l'ascension de Christ. En 9.25-26 Daniel, qui prophétise au sixième siècle avant J.-C., et environ 30 ans après la destruction du temple de Jérusalem prédit les faits suivants

1. Jérusalem et le temple seront reconstruit;

2. Le Messie viendra;

3. "Le Messie sera retranché et il n'aura personne pour lui";

4. "Le peuple d'un prince qui viendra, détruira la ville et le sanctuaire".

Ce dernier fait se rapporte à la destruction de Jérusalem par les troupes du général romain Titus en 70 de notre ère.

Les défenseurs de la "haute critique" et le Dr. Bucaille n'ont aucune réponse en face de ces prophéties accomplies, en particulier de la dernière qui s'est réalisée plus de 200 ans après la date de rédaction du livre de Daniel que propose le Dr. Bucaille lui-même !(5) Alors ces faits sont passés sous silence. Nous refusons d'adopter cette attitude et nous montrerons dans un chapitre suivant comment la prophétie accomplie peut constituer une preuve de la véracité de la Bible.

2. L'Evolution en matière de religion

Darwin avait appliqué sa théorie de l'évolution au domaine de la biologie. Hegel l'appliqua à celui de l'histoire. Les savants conquis par la "haute critique" proposèrent de l'étendre au domaine religieux. Ils prétendirent alors que le développement religieux avait évolué de la croyance primitive en des esprits pour arriver au pur monothéisme. Wellhausen tenta même, en appliquant la théorie hégélienne a l'Arabie pré-islamique et islamique, de redécouvrir l'évolution de la religion d'Israël.

 Voici comment C.E. Wright explique la conception de Wellhausen et d'autres savants du même bord:

"Dans sa reconstruction de l'histoire religieuse d'Israël, la théorie Graf-Wellhausen part du principe que la Bible nous offrirait la preuve parfaite d'une évolution qui partirait de l'animisme, pratiqué au temps des patriarches pour parvenir au monothéisme. Cette dernière étape n'aurait été atteinte, dans sa forme la plus pure, qu'aux sixième et cinquième siècles avant J-C. Les patriarches (Abraham et ses fils en 1800 avant J-C.) adoraient les esprits cachés dans des arbres, dans des pierres, dans des sources, dans des montagnes, etc. Le Dieu de l'Israël antérieur à l'époque des prophètes (1000 avant J-C.) était un Dieu tribal, dont le pouvoir se limitait à la Palestine... Ce sont les prophètes qui ont été les véritables innovateurs et artisans du monothéisme..."(6)

 Il y aurait donc eu, selon cette théorie, d'abord une religion animiste, puis le culte d'une divinité tribale locale et enfin un monothéisme explicite et généralisé.

Partant de là les adeptes de la "haute critique" ont conclu qu'une oeuvre littéraire pouvait être datée suivant la nature de sa conception religieuse. Ils étaient persuadés que la conception de Dieu que la Torah attribue à Abraham et aux autres patriarches était trop élevée et trop pure pour cette époque. En un mot cette idée de Dieu était impossible. Les esprits de l'époque patriarcale étaient trop limités pour concevoir un Dieu unique et Esprit. Parlant de la création du monde par un Dieu unique, Wellhausen écrit: "Jamais un peuple jeune, un peuple qui vient de se constituer n'a entendu pareille abstraction théologique"(7).

Mais le raisonnement ne s'arrête pas là. Après avoir déclaré qu'il existe une évolution en matière de religion, on constate que le cadre dans lequel se déroule l'histoire d'Abraham telle que la Torah la décrit ne concorde pas avec les idées fixées pour cette époque. Ainsi, lorsque Genèse 22.18 déclare:

"Toutes les nations de la terre se diront bénies par ta descendance, parce que tu as écouté ma voix", cela ne peut pas s'appliquer à Abraham. En effet selon la théorie documentaire Abraham n'était pas encore assez "évolué" pour savoir qu'il y avait un seul Dieu "sur toute la terre". C'EST POURQUOI cette phrase de la Torah n'a pu être écrite que 1000 ans plus tard.

Si ce raisonnement était fondé, que deviendrait le Coran ? Dans la Sourate Les Bestiaux (Al-An'am) 6.79, de la période mecquoise tardive, Abraham déclare:

"Sincère, oui je tourne mon visage vers celui qui a créé les cieux et la terre; et je ne suis point de ceux qui donnent des Associés."

La théorie critique prétend qu'Abraham n'a pas pu prononcer de telles paroles sous prétexte qu'il en était encore au stade de l'adoration des esprits cachés dans les arbres ou enfouis dans les pierres. Si donc la théorie documentaire acceptée par le Dr. Bucaille est vraie, alors le Coran ne doit pas échapper au jugement qui, selon lui, doit frapper la Torah: le Coran est un faux.

Des recherches récentes sur les civilisations primitives ont révélé que l'idée d'évolution en matière de religion était un leurre. Dans un livre récent intitulé L'éternité dans leur coeur(8), l'auteur Don Richardson, démontre, preuves à l'appui, qu'en plus de l'animisme ou du polythéisme, la plupart des peuplades et des civilisations primitives croyaient en un "créateur suprême", auteur des cieux et de la terre. Souvent ces peuples ont conserve des traces d'un récit qui explique pourquoi le contact avec la divinité suprême a été perdu.

N'était-ce pas précisément le cas de la tribu des Quraychites de La Mecque, au temps de Muhammad? Le père de Muhammad s'appelait Abd-Allah. D'après le Coran, les Mecquois considéraient Allah comme le dieu suprême, les autres divinités, de rang inférieur, intercédant auprès de Allah en faveur des Quraychites.

Les preuves anthropologiques s'inscrivent donc en faux contre la théorie de l'évolution en religion. Elles confirment plutôt l'enseignement biblique selon lequel dès l'origine, les hommes connaissaient le Dieu suprême, Créateur de toutes choses. C'est le péché qui éloigna les hommes de leur Créateur.

 a. Le milieu socio-culturel d'Abraham

La haute critique avait considéré comme mythiques et légendaires les coutumes sociales telles que la Bible les décrits au temps du patriarche. Or une éclatante confirmation du récit biblique a été fournie par la découverte des tablettes de Nuzi qui datent de 1500 avant J-C.

A. Plusieurs récits font état de femmes stériles qui demandent à leurs maris de leur susciter un enfant par leurs servantes. C'est exactement ce que fit Sara en donnant Agar comme épouse à Abraham. "Dans un contrat de mariage découvert a Nuzi l'épouse Kelim-ninu s'engage par écrit à donner sa servante comme femme à son mari Shennima, au cas où elle s'avérerait elle-même stérile. Elle s'engage de plus à ne pas chasser la descendance d'une telle union"(9), contrairement à Sara qui chassa Agar et Ismaël.

B. La victoire d'Abraham sur Kédorlaomer et les rois mésopotamiens, mentionnée en Genèse 14 de la Torah, avaient été considérés comme "imaginaires" par la haute critique, et les cinq villes de la plaine (Sodome, Gomorrhe, Adma, Tseboïm et Tsoar) comme appartenant à la légende. Dans les archives d'Ebla (qui seront examinées en détail dans la section suivante), les chercheurs ont trouvé des mentions de ces cinqs villes de la plaine ; sur une tablette, les villes sont citées dans le même ordre que dans Genèse 14.(10)

De plus Genèse 14 comporte certains mots d'emploi rare, voire unique, de même que des expressions peu communes. Tel est le cas du mot "hanikh" du verset 14, qui signifie "une suite armée". Genèse 14.14 est la seule mention de ce mot dans la Bible pour décrire des hommes nés dans la maison d'Abraham et formés par lui. Mais ce mot se trouve dans les textes egyptiens d'exécration qui datent des dix-neuvième et dix-huitième siècles avant J-C. Ils sont donc contemporains d'Abraham. On en trouve encore des traces dans une inscription cunéiforme du quinzième siècle avant J-C., trouvée à Taanak en Palestine.(11)

C. Genèse 29 rapporte que Jacob, le petit-fils d'Abraham, fut poursuivi par son beau-père Laban qui le soupçonnait d'avoir volé les dieux domestiques ou "téraphim". Des commentateurs se sont longtemps posé la question de savoir pourquoi le fugitif s'était donné tant de peine pour emporter ces dieux domestiques alors qu'il aurait pu s'en procurer dans n'importe quel magasin. Les tablettes de Nuzi projettent un éclairage nouveau sur cet épisode. Elles mentionnent le cas d'un gendre qui, faisant valoir qu'il possédait les dieux domestiques, exigeait légalement une part de la propriété de son beau-père. On comprend alors mieux l'inquiétude de Laban. Il craignait que Jacob revienne et se serve de ces idoles pour déshériter complètement ses propres fils.(12)

Cyrus Gordon, qui rejeta "l'hypothèse documentaire" après avoir étudié l'histoire et l'archéologie ancienne du Moyen-Orient, écrit:

"Les contrats en écriture cunéiforme trouvés à Nuzi ont fourni la preuve que les institutions sociales du temps des patriarches (Abraham, Isaac, Jacob, etc.) sont telles que la Bible les décrit ; elles appartiennent à une époque pré-mosaïque. Elles ne peuvent pas avoir été inventées par un quelconque auteur J, E, D ou P de l'ère post-mosaïque."(13)

b. Le silence prolongé concernant les Hittites

En 1946, quarante ans après que Hugo Winckler eut mis au jour la capitale de l'empire hittite de Bogaskoy, en Turquie centrale, on continuait à m'enseigner au collège Wooster que la Bible s'était trompée puisque aucune trace de Hittites n'avait été découverte, en dehors des mentions bibliques Winckler trouva des tablettes d'argile dont l'une s'avéra être la version babylonienne du traité conclu entre l'Egyptien Ramsès II et un roi hittite, 1300 ans avant J-C.

Une autre découverte est venue confirmer celle-ci: on a retrouvé une tablette égyptienne qui rapporte la terrible bataille qui opposa Ramsès II aux Hittites à Cadès sur l'Oronte, en 1287 avant J.-C.(14)

 3. L'Ecriture n'avait pas encore été inventée

Comme nous l'avons déjà souligné précédemment, les auteurs de la théorie critique prétendaient que Moïse ne pouvait pas avoir écrit. Julius Wellhausen écrivit en 1885 qu'Israël avait certainement des lois, "seulement elles n'étaient pas consignées par écrit".(15)

Hermann Schultz, de son côté, ajoute, en 1898:

"Quant au caractère légendaire des narrateurs (Hermann n'emploie pas le mot 'écrivain'), l'époque qu'ils décrivent en constitue une preuve suffisante. C'était une époque antérieure à toute connaissance de l'écriture."(16)

Puis, en 1902, une expédition archéologique française dirigée par Jacques de Morgan découvrit le code de lois d'Hammourabi sur le site de l'ancienne ville de Suse, à l'Est de la Mésopotamie. Il s'agit d'un ensemble de lois, gravées sur la pierre ; il comprend 282 sections ou paragraphes. Les savants datent ce code entre 1700 et 2000 avant J-C. Il est à noter que plusieurs lois de ce code sont très proches de certaines lois mosaïques.

 Depuis lors, d'autres découvertes archéologiques sont venues confirmer que l'écriture existait avant Moïse, et probablement bien longtemps avant. Des inscriptions gravées ont même été découvertes au Sinaï. Voici une liste complète des découvertes dans ce domaine.

1. "En 1917, Alan Gardiner, célèbre égyptologue britannique, fut le premier à déchiffrer les inscriptions proto-sémitiques mises au jour au Mont Sinaï... Ces inscriptions se présentent sous forme de pictogrammes, gravés par les Cananéens avant le milieu du second millénaire (1500) avant J-C. Elles prouvent que l'écriture alphabétique existait déjà avant l'époque de Moïse."(17)

2. En 1925 ont été entreprises des fouilles sur le site de Nuzi, près de l'ancienne Ninive, en Irak. Elles ont permis de mettre au jour plus de 4000 tablettes datant de 1500-1400 avant J-C.

3. En 1929 des tablettes d'argile comportant des inscriptions furent découvertes à Ugarit (Ras Shamra) sur la côte Nord de la Syrie. Elles remontent à l'époque de Moïse, car elles sont datés par les savants, du 14e siècle et du 13e siècle avant J-C. La langue est proche de l'hébreu poétique que l'on retrouve dans la Torah et dans l'Ancien Testament, tel que le cantique de Marie de Exode 15.20, ou le cantique de Débora de Juges 5 (du 12e siècle avant J-C.).

4. En 1933 ont été entreprises des fouilles archéologiques sur le site de Mari, sur le Moyen Euphrate, en Syrie. Trois ans plus tard, les savants excavaient des milliers de tablettes couvertes d'écriture cunéiforme, et remontant à 1700 avant J.-C.

5. En 1964 furent découvertes les ruines d'Ebla, au Nord de la Syrie. Dix ans plus tard, les chercheurs avaient trouvé plus de 17000 tablettes d'argile couvertes d'écritures, et datées de 2200 avant J-C.

6. Chacun en France peut observer sur l'obélisque égyptien dressé sur la Place de la Concorde à Paris, les inscriptions hiéroglyphiques portées sur les faces de ce monument. Ces hiéroglyphes datent du temps de Ramsès II.

Dès 1938, donc bien avant les dernières découvertes, W.E Albright, comparant les différents systèmes d'écriture qui avaient cours dans l'Orient ancien, antérieurement à Moïse, écrivait ceci:

"On peut donc affirmer que l'écriture est bien attestée en Palestine et en Syrie pendant toute la période patriarcale, (Bronze Moyen, 2100-1500 avant J-C.). Pas moins de cinq types d'écriture étaient employés, à notre connaissance : (1) les hiéroglyphes égyptiens, pour les noms de personnes et de localités, par les Cananéens ; (2) le cunéiforme akkadien ; (3) un syllabaire apparenté aux hiéroglyphes, en Phénicie; (4) un alphabet linéaire au Sinaï et (5) l'alphabet cunéiforme d'Ugarit découvert en 1929."(18)

Preuves supplémentaires qui interpellent(19)

On pourrait ainsi multiplier les exemples.

La haute critique affirme que les lois contenues dans Exode, Lévitique et Deutéronome représentent un stade trop évolué de la connaissance pour pouvoir dater du temps de Moïse. Et voilà que fut découvert le Code d'Hammourabi, aussi développé mais écrit entre 300 et 500 ans avant Moïse.(20)

Les critiques ont mis en doute un voyage aussi long que celui effectué par Abraham se rendant de Ur des Chaldéens (Irak) en Palestine (Torah, Genèse 11 et 12). Or voilà qu'on a retrouvé dans les fouilles entreprises à Mari une tablette qui représente un contrat de location d'un chariot. Il date de l'époque d'Abraham et stipule que le propriétaire consent à louer son chariot pour une durée d'un an, à condition qu'il ne soit pas conduit jusqu'à Kittim, sur la côte méditerranéenne au Nord de la Palestine.(21)

La "haute critique" estimait aussi que la tente, aux spécifications détaillées, que la Torah (Exode 36) nomme tabernacle et que Dieu avait ordonné à Moïse de faire confectionner, était le résultat d'une imagination trop féconde, sous prétexte qu'elle représente un stade de fabrication trop avancé pour l'époque de Moïse. Mais en 2600 avant J.-C. déjà, soit 1200 ans avant Moïse, les Egyptiens avaient un dais transportable pour leur reine. Il était constitué de baguettes verticales et de montants angulaires ; des solives légères formaient le toit qui était recouvert d'or ; le tout était assemblé par des tenons dans des alvéoles. Le montage et le démontage étaient donc rapidement exécutés, tout comme ceux du Tabernacle hébreu.(22)

Wellhausen prétend que les miroirs de bronze offerts par les femmes juives pour la construction de la cuve (Torah, Exode 38.8) ne furent connus que beaucoup plus tard. Des découvertes récentes ont démontré l'existence de tels miroirs en Egypte, sous le Nouvel Empire (18e dynastie) entre 1500 et 1400 avant notre ère.(23)

Il est regrettable qu'en face d'une telle accumulation de preuves modernes, le Dr. Bucaille ait encore cru bon de citer les propos suivants de E.Jacob:

"Il est probable que ce que l'Ancien Testament raconte au sujet de Moïse et des patriarches ne correspond qu'assez approximativement au déroulement historique des faits..." (c'est moi qui souligne).(24)

Quel contraste entre cette affirmation et l'extrait suivant d'un témoignage de Nelson Glueck, ancien président du Séminaire Théologique Juif au Collège Hébreu de Cincinnati, dans l'Ohio, et l'un des trois plus grands archéologues de notre temps:

"Au cours de mes recherches archéologiques je n'ai jamais rencontré un seul objet antique qui puisse contredire les affirmations de la Parole de Dieu (la Torah - Ancien Testament)."(25)  

4. La Torah est une compilation de nombreux documents écrits longtemps après Moïse

Au début de ce chapitre nous avons évoqué l'opinion de Graf et de Wellhausen selon laquelle la Torah serait une compilation d'au moins quatre documents différents. Certains savants ont, depuis, prétendu avoir découvert des preuves de sources littéraires plus nombreuses encore : dix, douze et même quinze. Ils fondent leurs affirmations sur les différences de vocabulaire qu'ils croient détecter.

L'exemple le plus connu et le plus éloquent de cette méthode s'observe dans la division fondée sur l'emploi des noms divins : Elohim, qui est utilisé dans la Torah en Genèse 1 et Jéhovah que l'on retrouve en Genèse 2 et 3.

Un autre postulat de la théorie documentaire consiste à dire qu'un éditeur ultérieur rassembla et fondit en une seule histoire les versions légèrement différentes d'un même épisode, raconté par les auteurs "E", "J" ou un autre encore. Le nom donné à Isaac constituerait un exemple de cet amalgame.

 En Genèse 17 Dieu promet à Abraham qu'il aura un fils dans sa vieillesse. Voici ce que rapportent les versets 15 à 19:

"Dieu dit encore à Abraham : Pour ce qui est de ta femme Saraï, tu ne l'appelleras plus Saraï; mais son nom sera Sara. Je la bénirai et je te donnerai d'elle aussi un fils. Je la bénirai et elle donnera naissance à des nations; les rois de plusieurs peuples sortiront d'elle.

Abraham tomba face contre terre; il rit et dit dans son coeur : Naîtrait-il un fils à un homme de 100 ans? Et Sara, âgée de 90 ans, accoucherait-elle?

... Mais Dieu dit : Certainement ta femme Sara va te donner un fils ; et tu l'appelleras Isaac." (Isaac signifie il rit en hébreu.)

Quelque temps plus tard, Dieu envoie trois hommes (anges) et répète sa promesse que Sara entend, selon le récit de Genèse 18.10-15:

"L'un d'entre eux dit : Assurément je reviendrai vers toi l'année prochaine: voici que Sara, ta femme, aura un fils. Sara écoutait à l'entrée de la tente qui était derrière lui. Abraham et Sara étaient vieux, d'un âge avancé, et Sara n'était plus en état d'avoir des enfants. Elle rit en elle-même en disant : Maintenant que je suis usée, aurais-je encore des désirs? Mon Seigneur aussi est vieux. L'Eternel dit à Abraham: Pourquoi Sara a-t-elle ri... Y a-t-il rien qui soit étonnant de la part de l'Eternel?... Sara mentit : Je n'ai pas ri, dit-elle, car elle éprouvait de la crainte. Mais il lui dit: Si, tu as ri!"

Enfin, un troisième passage mentionne le rire lors de la naissance d'Isaac:

"L'Eternel intervint en faveur de Sara, comme il l'avait dit, et l'Eternel agit pour Sara selon sa parole. Sara devint enceinte et donna un fils à Abraham dans sa vieillesse, au temps fixé dont Dieu lui avait parlé. Abraham appela Isaac le fils qui lui était né, celui que Sara lui avait donné. Abraham circoncit son fils Isaac, âgé de huit jours, comme Dieu le lui avait ordonné. Abraham était âgé de cent ans, à la naissance de son fils Isaac. C'est alors que Sara dit : Dieu a fait de moi la risée des gens; quiconque l'apprendra rira à mon sujet." (Genèse 21.1-6)

Comment les critiques abordent-ils ces passages apparemment très clairs? Ils émettent la théorie suivante : le même événement, à savoir l'origine du nom attribué à Isaac, a été raconté par trois narrateurs différents ; puis ces trois versions ont été réunies en un seul récit dans la Genèse. Ils attribuent le récit de Genèse 17 à la source "P" le second à la source "J" et le troisième à la source "E". Mais est-il si absurde de penser que Abraham et Sara aient ri d'incrédulité lorsque Dieu leur annonça la naissance d'Isaac et que plus tard ils rient de joie, à la naissance de l'enfant?

Henri Blocher résume admirablement le processus dans son livre Révélation des Origines:

Les Critiques, lorsqu'ils jugent les phénomènes internes, projettent sur eux leurs habitudes de lecteurs occidentaux modernes et négligent ce qu'on sait aujourd'hui des procédés d'écriture en usage au temps biblique. Le goût des répétitions, la structure énoncé global - reprise avec développement, le remplacement d'un mot par ses synonymes, en particulier le changement d'un nom divin dans le texte (p. ex. Baal et Hadad dans la tablette d'Hadad à Ougarit ; les noms d'Osiris sur la stèle d'Ikhernofret), sont des caractéristiques bien attestées de textes du Moyen-Orient ancien... Le texte biblique tel qu'il est convient aux canons littéraires de son époque.(26)

Et si la "haute critique" était appliquée au Coran?

En arabe, le nom qui désigne Dieu (Allah, ~) correspond à l'hébreu Elohim tandis que le nom (Rabb, ~) correspond au nom hébreu Adonai ("Seigneur") que les Juifs utilisèrent plus tard à la place de Jéhovah.

Un examen attentif du Coran révèle que le nom Rabb est totalement absent des 11 Sourates suivantes: 24, 48, 49, 58, 61, 62, 77, 88, 95, 104, 112.

Quant au nom Allah il n'apparaît jamais dans les 18 Sourates suivantes:

54-56, 68, 75, 78, 83, 89, 92-94, 99, 100, 105, 106, 108, 113 et 114.

Enfin, dans dix Sourates très brèves, datées de la période mecquoise primitive, le nom de Dieu n'est même pas mentionné. C'est le cas aussi du livre d'Esther dans la Torah-Ancien Testament.

Voici un tableau comparatif de l'emploi des nom Allah et Rabb dans les Sourates 48 et 64 que j'ai arbitrairement choisies parce que 8 d'entre elles se trouvent mentionnées dans les listes ci-dessus.

  Ce tableau révèle que dans la Sourate 55 le nom Rabb est mentionné à 36 reprises, dont 31 fois en association avec le mot faveurs (ala', ~ ). Ce mot ala' est un mot qui ne revient que très rarement dans le Coran, puisqu'il n'apparaît qu'en trois autres endroits: une fois dans la Sourate 53, de la période mecquoise primitive et deux fois dans la Sourate 7, de la période mecquoise tardive. De plus, par un examen plus attentif de la Sourate 53.19-20 nous trouvons que c'est le seul texte qui cite les trois déesses Al-Llat, Al-' Uzza et Manat.

Un critique qui soutiendrait la théorie documentaire conclurait donc ainsi: "Nous constatons que le nom Allah est employé moins fréquemment pendant la période mecquoise, jamais plus d'une fois en 10 versets. Par contre, à partir de l'Hégire, ce nom revient beaucoup plus souvent, en moyenne plus d'une fois par verset, exception faite de la Sourate 48.

Le mot ala', et le nom des trois déesses ne se trouvent que dans les Sourates mecquoises. Il y a donc probablement eu un auteur ancien, de cette période, que nous désignerons par la lettre "R" à cause de sa préférence pour le nom "Rabb". Cet auteur était néanmoins encore marqué par l'influence des idoles. Plus tard, un second auteur apparut à une époque où un monothéisme plus pur s'était fait jour. Nous le désignerons par la lettre "A" du nom d'Allah qu'il réserve à Dieu. Il est certes vrai que dans la Sourate 53 la mention des déesses Manat, Al-Llat et Al-' Uzza s'accompagne de reproches qui ont dû être incorporés au texte ultérieurement par un auteur Q du nom de Qurra' ( ~ ).(27)

Le récit de la naissance d'Isaac révèle quatre sources. La Sourate mecquoise ancienne 51.24-30 rapporte que la femme d'Abraham ne crut pas à cette promesse puisqu'elle se déclarait comme une "femme vieille et stérile". Ce récit est l'oeuvre de "R". La Sourate mecquoise plus récente 15.51-56 présente l'incrédulité d'Abraham face à cette promesse : "Qu'allez-vous m'annoncer quand la vieillesse m'a touché?". Comme cette Sourate date de la période mecquoise tardive, ce récit est imputable à l'auteur "A".

Dans une autre Sourate tardive de la période mecquoise, la Sourate 11.69-74, les deux narrations ont été fondues en une seule par l'un des éditeurs "Q" qui a ajouté la mention du rire de la femme d'Abraham.

Enfin la Sourate 37.99-103, de la période mecquoise intermédiaire, qui s'intéresse au sacrifice offert par Abraham en la personne de son fils, constitue une quatrième source que nous désignerons par la lettre "D", du nom (dabiha, ~ ) qui signifie sacrifice.

Tout lecteur se rendra donc compte à quel point il est facile de concevoir une théorie documentaire pour expliquer l'origine du Coran. Nous pourrions l'intituler la théorie R, A, Q, D. Comme cette théorie R, A, Q, D est montée de toute pièce, elle montre quel arbitraire a pu présider au raisonnement des auteurs de l'hypothèse documentaire, et ce qu'il adviendrait du Coran si on lui appliquait les mêmes critères que ceux qui sont imposée à la Bible par la "haute critique".  

Conclusion

A la lumière de toutes les preuves dont nous disposons, on comprend mal pourquoi les hommes persistent à croire et à enseigner ces idées dépassées, à moins que ce ne soit le résultat d'une incrédulité profondément ancrée dans leur coeur. Graf et Wellhausen ont, à certains égards, droit à des circonstances atténuantes, puisqu'ils n'avaient pas connaissance des récentes découvertes archéologiques. Mais il est difficile d'expliquer pourquoi des savants modernes et pourquoi le Dr. Bucaille continuent à s'accrocher à une telle hypothèse. Pour Henri Blocher, la raison est simple : ces hommes partagent le même postulat de base que les promoteurs de la théorie documentaire. "Ils partagent, en général, l'hostilité de Wellhausen envers toute intrusion du surnaturel dans les récits."(28) Il n'existe aucune preuve objective de l'existence des documents J, E ou autre, invoqués dans l'élaboration progressive de la Torah. Il n'y a aucune trace historique, aucun Isnad ( ~ )(29) d'un témoin quelconque de ces documents.

K.A. Kitchen, maître de conférences en archéologie à l'Université de Liverpool déclare:

"Les formes conventionnelles de la critique littéraire (J, E, P, D, ou tradition orale) se sont développées à partir d'un vide et les critères qui leur ont donné naissance se révèlent comme étant sans aucune valeur, voire totalement erronés quand on les confronte aux méthodes que mettaient réellement en oeuvre ceux qui écrivaient dans l'univers biblique. Le schéma de l'évolution des concepts... se révèle être une pure illusion quand on l'examine à la lumière du monde biblique du Proche-Orient... Quand on met en présence du monde de l'Ancien Testament visiblement et tangible, les écrits vétéro-testamentaires et leur re-construction théorique, ce sont encore les documents existants (de l'Ancien Testament) qui s'avèrent les plus authentiques par leur contexte proche-orientale, et non les compositions basées sur des prémisses fausses et des critères erronés."(30)

Le savant juif Umberto Cassuto est arrivé à la même conclusion. Il consacre six chapitres de son ouvrage The Documentary Hypothesis à l'examen des cinq arguments majeurs dont se sert la "haute critique" pour démontrer que Moïse n'a pas pu écrire la Torah. Il compare ces cinq raisons à des piliers qui supportent un édifice. Voir la conclusion de Cassuto à propos des "piliers", de "l'hypothèse documentaire":

"Je n'ai pas démontré que les piliers étaient faibles ou que chacun d'eux s'était avéré incapable de constituer un support décisif pour la théorie en question, mais j'ai prouvé qu'ils n'étaient nullement des piliers, qu'ils n'éxistaient même pas, qu'ils relevaient de la pure imagination."(31)

 Notre étude sommaire nous a conduit à n'examiner que quatre points de cette théorie, ou quatre piliers, mais je pense pouvoir affirmer que nous sommes parvenus à la même conclusion que Cassuto. "Ce ne sont pas des piliers, ils n'existent pas, ils relèvent de la pure imagination."

En fin de compte nous devons prendre conscience que cette hypothèse fait peser sur les juifs un jugement que peu d'entre nous seraient prêt à porter. Pour cette hypothèse TOUS les juifs, depuis le temps de Moïse jusqu'à celui du Christ, furent malhonnêtes ; ils ne furent pas des hommes qui craignaient Dieu et qui firent tout pour défendre la véritable Torah et en préserver des copies authentiques. Le Coran lui-même ne se risque pas à porter sur les juifs de La Mecque et de Médine, un tel jugement. Comme nous l'avons constaté au chapitre précédent, le Coran admettait que certains juifs étaient honnêtes et sincères dans la pratique de leur religion. La Sourate de Al-A'raf de la période mecquoise tardive, déclare en 7.59:

"Et dans le peuple de Moïse, il est une communauté qui guide avec le droit, et qui par là exerce la justice."

L'hypothèse documentaire qui prétend que Moïse n'a pas écrit la Torah est manifestement fausse; des hommes ont pourtant souscrit à ses conclusions parce qu'ils ont adopté de mauvais présupposés dans leur analyse des Ecritures. Lorsque nous examinons la Bible et le Coran, nous ferions bien d'emboiter le pas à Coleridge, ce génie littéraire qui fut aussi un critique hors pair. Il y a bien longtemps qu'il a défini les règles qui doivent présider à tout examen littéraire.

"Quand nous sommes en présence d'une erreur apparente chez un bon auteur, nous devons d'abord poser le principe suivant; nous ignorons sa compréhension tant que nous n'avons pas la certitude de comprendre son ignorance."

Comme l'a si bien formulé Aristote (de Arte Poetica, 14606-14616), "le bénéfice du doute doit être accordé au document lui-même, et non réclamé par le critique."

 

 


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1. 1 Timothée 2.4. [retourner au texte]

2. Israelitische und Jüdische Geschichte, p.12. [retourner au texte]

3. Cosmology. Ontology & the Travail of Biblical Language, Concordia Theological Monthly, Mar.1962, vol.33, pp.148-150. [retourner au texte]

4. Bucaille, op. cit., p.30. [retourner au texte]

5. Bucaille, op. cit., p.30. L'auteur écrit : "Ce serait une oeuvre du IIe siècle avant J.-C., de l'époque maccabéenne." Or les fragments du livre de Daniel trouvés parmi les manuscrits de la mer Morte prouvent que cette hypothèse est impossible. L'original ne peut pas être postérieur au 4e siècle avant J.-C., Soit 200 ans avant les Maccabées. [retourner au texte]

6. The Study of the Bible Today and Tomorrow, Edité par Harold Willoughby, University of Chicago Press, 1947, pp.89-90. [retourner au texte]

7. Prolegomena to the History of Israël, Julius Wellhausen, Adam and Charles Black. Edinburgh, 1885, p.305. [retourner au texte]

8. Jeunesse en Mission, Lausanne, 1982. [retourner au texte]

9. More Evidence That Demands a Verdict, Josh McDowell, Campus pour Christ, 93230 Romainville. N.d.T. : La Bible à la lumière de l'archéologie, Ligue pour la Lecture de la Bible. p.32. [retourner au texte]

10. Evidence That Demands a Verdict, p. 68. [retourner au texte]

11. Understanding Genesis, Haham Sarna. McGraw, New York, 1966. p.111. [retourner au texte]

12. "Archeology and the Bible", J.P.Free, His magazine. mai 1949. Vol 9. p.20. [retourner au texte]

13. "The Patriarchal Age", Journal of Bible and Religion, octobre 1955, Vol 21, N° 4. p.241. [retourner au texte]

14. McDowell, More Evidence, pp.309-311; Trésor des Temps Bibliques. de A. Millar, éd. Sator, pp.64ss. [retourner au texte]

15. Prolegomena to the History of Israël, Julius Wellhausen. Edinburgh. Adam and Charles Black. 1885, p.393. [retourner au texte]

16. Old Testament Theology, T. & T. Clark. 1898. p. 25 [retourner au texte]

17. "Recent Illumination of the Old Testament" .., S.H. Hor, Christianity Today, 21 juin 1968, vol 12, pp.925-929; Trésors des Temps Bibliques, A. Millar, éd. Sator, p. 90.   [retourner au texte]

18. "Archaeology Confronts Biblical Criticism" ., W.F Albright. The American Scholar, avril 1938, Vol 7, p.186. [retourner au texte]

19. Résumé tiré de More Evidence That Demands a Verdict, de Josh McDowell, de Campus pour Christ. Cet ouvrage, et le précédent du même auteur Evidence That Demands a Verdict (dont il existe une adaptation française sous le titre " Qui dites-vous que je suis? ") sont riches en citations du credo des partisans de la haute critique. Elles sont suivies de preuves qui témoignent clairement que l'hypothèse documentaire et ses conclusions sont fausses; elles font d'autant plus ressortir que la Torah et l'Evangile sont authentiques et crédibles. Ces livres ont une bibliographie très fournie, et peuvent également être lus par tous ceux qu'intéressent cette question. [retourner au texte]

20. Ibid, p.63. [retourner au texte]

21. Ibid., p.75. [retourner au texte]

22. Ibid.,p.110. [retourner au texte]

23. McDowell, Evidence, p.22. [retourner au texte]

24. Bucaille, op.cit., p.18 [retourner au texte]

25. McDowell, Evidence, p. 22 [retourner au texte]

26. Op cit., PBU, rue de l'Ale, CH-1003 Lausanne, p.234 [retourner au texte]

27. Les qurra (singulier qari) sont les personnes responsables de l'interprétation correcte du Coran. [retourner au texte]

28. Op cit., p. 236. [retourner au texte]

29. Mot arabe pour désigner la chaîne de personnes qui a transmis une tradition relative au prophète Muhammad et/ou au Coran. [retourner au texte]

30. The Old Testament in its Context, K.A. Kitchen, Maître de Conférences à l'Ecole d'Archéologie et d'Etudes Orientales, à l'Université de Liverpool, Bulletin du Théological Student Fellowship, 39 Bedfort Square, Londres WC1B 3EY, 1972, p.15 [retourner au texte]

31. Cassuto, op. cit., Magnes Press, Jérusalem, 1941, 1ere édition anglaise 1961, p. 100. [retourner au texte]